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1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 13:44
Richard Gaitet : maestro !

Une fois n'est pas coutume, nous consacrons notre rubrique au sacre d'un immense artiste, aux pieds duquel toute notre congrégation se prosterne depuis samedi soir, et qui, selon notre ordre, pourrait être sanctifié in petto pour son oeuvre magistrale et malheureusement incomprise.
Samedi soir donc, lors de la cérémonie de remise des prix du festival d'Angoulême, un collègue, un camarade, un ami, que dis-je un frère a révélé un don particulier dans l'art de blesser l'ego des auteurs, art que nous avons érigé, à Meaculpa, en religion (chacun trouve ses adorateurs là où il peut).
L'homme de radio est sorti de son placard affable, pour réaliser une remarquable performance anti-performative, dans la droite ligne des situationnistes les plus osés. Proposant une variation sur le thème du "au revoir au revoir présideeeeent" dont rêve secrètement tout petit employé besogneux, Richard Gaitet a revêtu le costume grotesque de Fantasio pour orchestrer un happening des plus réjouissants, en forme de suicide médiatique.
En moins de 24 heures, cet artiste conceptuel a acquis une renommée internationale sans l'aide du moindre crayon, en pratiquant avec une rare générosité l'art de décevoir. Il n'a fallu que 8 minutes et 14 secondes — quelqu'un s'est empressé de chronométrer l'exploit —, pour que Richard Gaitet se mette à dos toute une profession, celle qui justement, le fait vivre.
A Meaculpa, nous ne pouvons dire qu'une chose : chapeau l'artiste.
Car l'art de décevoir est un exercice exigeant autant que périlleux, incompris par la plèbe qui n'y voit qu'une attaque, là où nous voyons un total don de soi doublé d'une abnégation certaine : comme notre Seigneur Jésus-Christ a offert sa vie pour sauver l'humanité, notre très cher Richard Gaitet s'est sacrifié sur l'autel de l'ego, pour alimenter les forces vives des auteurs.
Nous connaissons bien les moteurs de la création : angoisses pathogènes, haines compulsives, pulsions ignobles, blessures d'enfance, traumas et rancoeurs constituent les meilleurs carburants des grandes oeuvres.
Auteurs, que ne chérissez-vous Richard Gaitet, qui alimente votre réservoir créatif par sa performance héroïque ! Que ne lui allumez-vous quelque cierge, au pied des statues de la postérité ! Vous le haïssez ? Bénissez-le. Vous le méprisez ? Sanctifiez-le. Vous êtes blessé de n'avoir pas eu le bonbon, le bon point ? Tant mieux, car Richard Gaitet vous offre bien plus qu'un mauvais canular : il vous donne à manger ! Les compliments n'ont jamais nourri l'inspiration, bien au contraire, l'éloge et la flatterie en sont les meilleurs étouffe-chrétien.
Mais… quoi ? Richard Gaitet publie une lettre de mea culpa, renonçant ainsi à son geste superbe ? Il retourne lécher son micro dans l'obscurité de sa salle d'enregistrement ? A peine crucifié, il veut déjà descendre ? N'a-t-il pas saisi l'immense jouissance qu'il y a à se faire détester, mépriser, pourrir ?
En 2017, Meaculpa se propose d'animer gratuitement la cérémonie de remise des prix : nous vous promettons une grande séance d'humiliation de laquelle chacun ressortira les fesses rouges et les larmes aux yeux (ou l'inverse).
A l'année prochaine !

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