Non, meaculpa n’est pas seul à prêcher dans le désert. D’autres, avec plus ou moins de talent, reprennent la noble bannière des causes perdues, menant une croisade désespérée contre l’avènement de la Bête à mille têtes, le démon grimaçant de la duplication.
Dans une lettre ouverte qui lui tient lieu de tribune, Nicolas Gary, directeur de publication et gérant du site ActuaLitté, se désole de l’abominable sort réservé par la Marsu Prod, à l’œuvre du décédé Franquin.
« Cher André, écrit Nicolas Gary, j'espère qu'au paradis des auteurs BD, t'as trouvé de bons copains, et surtout que tu ne jettes jamais un oeil pour voir ce qui est fait de ton oeuvre. »
Nous rectifions : l’enfer des auteurs BD. Il faut avoir commis des crimes épouvantables pour que le Grand Ordinateur choisisse de faire pleurer les morts en imposant à leurs œuvres une si funeste destinée. Franquin, de son vivant, ne peut qu’avoir beaucoup péché sans jamais se repentir, pour mériter pareil châtiment. Plus vives sont les fautes, plus lourde est la damnation.
De sa prison éthérée, l’âme tourmentée du pauvre Franquin assiste, jour après jour, aux diableries de la Marsu Prod. Accroupie sur les charognes entassées du grand dadais sans cerveau et du méchant marsupial, cette mante religieuse s’y accouple quotidiennement en pondant mille larves répugnantes et en puisant son odieux repas dans les chairs perfusées de ces corps en mort clinique.
Las ! Les quelques commentaires laissés en réponse à cette lettre ouverte nous font désespérer du genre humain. Un certain Ralph (Satan reconnaîtra les siens) ose éructer son sophisme imbécile : « Marsu Prod ne produit pas des armes à l’effigie de Gaston, après tout ». Non, bien sûr, il n’y a pas mort d’homme. Lors de son audition, l’autrichien Joseph Fritzl, qui a séquestré et violé sa fille dès l’âge de 11 ans et pendant un quart de siècle, lui imposant 7 grossesses, n’a-t-il pas dit, lui aussi, qu’il n’avait « tué personne » ?
Le Mal, partout, pullule et prospère. Cela lui est rendu possible grâce à des individus tels que Ralph. Et si Nicolas Gary a gravi, par sa lettre ouverte, l’une des innombrables marches qui conduisent à la félicité, Ralph, quant à lui, se rapproche dangereusement de la fournaise.
Et qui réside, au fond de la fournaise ? Notre pauvre Franquin, terrorisé plus encore à l’idée de passer l’éternité en compagnie de Ralph, qui, à n’en pas douter, lui montrera sa collection de porte-clés, de badges, de tee-shirts et de caleçons à l’effigie de son œuvre, pour les siècles des siècles.
Amen.
Frère des ours