Le Très Révérend Père aurait tout aussi bien pu me donner un châtiment corporel — à n’en pas douter, sœur Sourire y aura droit — plutôt que ce calvaire, cette onzième plaie d’Egypte, cet implaidable dossier de cour d’assises, que dis-je, ce procès en sorcellerie qu’est le cas Mimi Stinguette. Mais puisqu’il faut obéir, alors obéissons.
Hum Hum... Messieurs les jurés.
L’on a vu récemment des hordes de charognards et toutes sortes d’insectes nécrophages s’acharner sur la dépouille mort-née de Mimi Stinguette. A peine sortie de la soupe primitive qu’est le web, cet utérus artificiel rempli de milliers de blogs-foetus souffrant la plupart des pires malformations congénitales, à peine entrée dans le vrai monde, celui de la publication, Mimi Stinguette fait l’objet de toutes les attaques, de toutes les lâchetés. S’acharne-t-on sur un nourrisson vagissant, sur un petit être tout neuf et plein d’allant ? Est-ce donc cela que nous enseigne notre bon Seigneur ? Les animaux s’entredévorent-ils lorsque rien ne les menace ?
Mimi Stinguette progresse donc dans l’existence avec, dans son sillage, une horde aboyante de garants de la morale bédéiste, une clique de gardiens du temple phylactère, un ramassis d’exégètes de la case tirée au cordeau, de grammairiens de l’encre de chine et de la mine de plomb, de petits professeurs de dessin frustrés de n’être pas eux-mêmes arrivés à percer leur poche des eaux, à pointer le bout de leur œuvre entre les cuisses d’une maison d’édition.
Touchée par un état de grâce, Mimi Stinguette subit son martyr sans jamais quitter son sourire de vierge pure : l’atrocité du quotidien, ce lent désastre sans salut, elle le sublime et le sanctifie par son sourire mystique souligné par l’immensité humide d’un regard compatissant. Asphyxiée dans une robe tube Gucci, démantibulée par le poids d’un sac Prada, écorchée vive un jour de solde, ignoblement mutilée par les talons aiguille de ses Louboutin, elle garde bon moral et fière allure, elle avance vers ses bourreaux la tête haute et le visage illuminé de divins rayons.
A côté de son supplice, Sainte Jeanne d’Arc n’est qu’un rôti du dimanche. Sainte Blandine, une pâtée pour chats. Sainte Catherine, un tourniquet de bac à sable. En toutes circonstances, Mimi Stinguette sourit. Rien, absolument rien, ne semble l’atteindre. Et c’est là l’origine de toutes les méchancetés. Ceux qui ne souffrent pas, ceux qui, par la puissance de leur esprit et de leur foi, ont trompé les lois de l’existence en s’immunisant contre le désespoir, ceux-là nous sont insupportables. Ceux-là doivent être exécutés.
C’est donc avec acharnement que la société des cyniques fait résonner dans les longs couloirs humides de son impuissance, ses lugubres ricanements de hyène en crachant son venin frelaté et ses vains éjaculats au visage de l’Espérance, cette belle vertu théologale.
Les académiciens du neuvième art reprochent à Mimi Stinguette l’amateurisme de son trait. Mais lorsque la forme est en parfaite adéquation avec le fond, n’est-ce pas là l’alchimie secrète des plus grandes œuvres d’art ?
Frère Jacques
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